vendredi 26 octobre 2018

Géométrie parisienne



Autour de la Maison de la Radio...







"Rêves oubliés" de Léonor de Récondo



L'histoire d'une famille Basque Éspagnole, obligée de s'exiler au Pays Basque Français à l'arrivée de Franco.
Un très beau roman qui rend hommage à ces familles arrachées à leur terre par la fureur et la folie d'autres hommes.
Quelques beaux passages : 
"Le silence de mes nuits transporte mon cœur engourdi vers l’aube incertaine."
"Je ferme les yeux, je vois les jardins d’Aranjuez où nous aimions tant nous promener. Je vois Irùn, la maison, Aïta, notre rencontre, son front si lisse et ses yeux perçants. Je vois la sage-femme qui entre chez nous avec sa chaise d’accouchement pliante. Trois fois entre ses mains se sont posés mes enfants, mes fils si silencieux ce soir.
J’abandonne une partie de moi-même là-bas, au pied des orangers, j’y laisse mes rêves et je prie pour que nous restions unis, en vie. Toujours libres."
"La nostalgie est un sentiment bien étrange qui s'attache au plus futile."
"Regarder les enfants grandir et laisser la vie glisser sur moi, accueillir ses joies et ses écueils avec simplicité. Parfois, du bout d'un sourire, murmurer quelques rimes, une chanson d'enfance.
Laisser à nouveau les rêves posséder mes nuits. Rire à la vue de mes mains fanées, ciselées de mémoire vive.
Aimer Aïta avec ce qui nous est donné ici, sans nostalgie. Oublier la guerre et ses morts, la guerre et sa démence. L'absurdité de nos jours.
Qu'avons-nous, à part ces instants posés, si proches les uns des autres qu'on ne distingue plus le lien qui les unit ? Cette trame si fragile qui risque à chaque instant de se rompre ?
Je veux danser, libre, et oublier les mots qui m'enchaînent. Et si j'espère encore retourner là-bas, je veux pouvoir vivre aujourd'hui sans être dans l'attente d'un lendemain meilleur."

dimanche 21 octobre 2018

"Faire danser les gens" par Fred RISTER



Donner son avis sur un livre qu'on a aimé, c'est simple.
"Faire danser les gens" est le livre de Fred Rister, un ami, là ça se complique !
Car même avant de l'avoir lu, on s'inquiète... Et s'il ne me plaisait pas ? S'il ne répondait pas à mes attentes ?
Alors voilà ! Plus de doutes là-dessus : ce livre m'a bouleversée. Pas parce que Fred Rister parle de sa maladie ! Parce que je le retrouve ! Je l'entends parler avec sa voix grave et cet accent du Nord à peine masqué. Bien sûr, il parle de sa maladie, sans pathos et pourtant c'est autant de coups de poignard que l'on reçoit.
Il nous raconte ses racines profondes ancrées à Malo et son élan vers les États Unis, vers le monde entier.
Fred est un pur artiste dans chaque fibre de son être. Il est d'une très grande sensiblité, c'est pour ça qu'on l'aime et c'est cette qualité qui, dès le début, l'a propulsé devant tous les autres : lors de ce concours de DJ à Malo, puis dans sa collaboration avec David Guetta... Et pourtant c'est cette même sensibilitré qui sera touchée ! L'inspiration qu'il trouve dans ses émotions depuis le début est tarie à cause de sa maladie. Quel coup du sort insupportable ! Je n'en dirai pas plus. Je préfère le laisser s'exprimer et lui dire qu'on l'aime fort. L'émotion qu'il ne ressent plus, on en a à revendre en le lisant et en écoutant sa musique ! Je te la renvoie en pleine poire comme tu dis !

Quelques moments aimés :
"Il fallait deux qualités essentielles pour prétendre à ce métier : être d'une nature suffisamment solitaire pour ne manquer à personne lors de longues heures passées chez les disquaires de la région et, surtout, avoir assez peu confiance en soi pour préférer faire danser les gens plutôt que de s'amuser avec eux. Bref, un métier de geek, d'introverti ; vu de loin, un métier de puceau."

"Et tout à coup, ce jeune homme plongé dans le noir, en retrait mais souvent au-dessus des autres, exerce sur son public un sortilège supérieur. Faire danser les gens c'est prendre le contrôle de leur corps et de leurs émotions - Ce qui n'est pas commun. Le DJ tient davantage du charmeur de serpent que du chanteur se produisant en live; et les meilleurs d'entre nous pourront sentir le regard et l'admiration du public, cette vague chaude qui vient de la foule et fond sur lui seul."

"Il y a ces gens de tous les genres dont l'existence et l'éventuelle joie de vivre m'ont inspiré les morceaux sur lesquels ils dansent désormais, et cependant leur nombre ne change rien à ma vie, je demeure dans l'ombre, un simple nom en petits caractères au dos d'un disque, cela tombe bien, j'éprouve pour mes succès une sympathie scandalisée."

"Il y a la maladie tapie, obstinée, comme une réponse toujours négative aux demandes que l'on fait les mains jointes. Il y a nous , les autres et les circonstances ; comme la vie serait une durée simple... s'il n'y avait les circonstances."

A propos de "I Gotta Feeling" : "Lorsque je l'entends dans les écouteurs d'un passant ou offerte à tous dans un hall de gare, j'ai la sensation que quelque chose me concerne ; C'est aussi fugace que réel ; c'est un moment à consonance intime dans un espace public, comme si une main se posait de manière inattendue sur mon épaule, comme un chuchotement au plus près de mon oreille, une voix familière et aimante."

"Une création sonore en Nord-Pas-de -Calais a produit une tempête à Chicago et aux quatre coins du monde."

"Ce que nous avons fait dans ce studio moins grand qu'un garage a eu assez de puissance et d'élan pour se moquer des distances, des océans, des différences, pour plaire et envoûter quel que soir le continent où des vies lointaines ont accueilli cette chanson comme si elle était faite pour elles."

"Mon coeur ni ne se bronze ni ne se brise, et jusqu'au bout, je serai intègre. Je ne vous demande pas de me croire, ce serait idiot, mais seulement d'écouter ma musique."

"Aimer signifie croire et craindre."

"Mais c'est par habitude que l'on vit."

"Cinquante-sept ans, un enfant, des millions de disques vendus, neuf cancers - et d'une manière tout à fait déconcertante, je reste d'une gravité en dessous de mon âge."

"Lorsque l'idée vient, c'est comme si elle venait d'ailleurs, elle est unique en son genre, elle fait le vide autour d'elle, et sitôt énoncée nous devenons ses dévots, ses heureux coreligionnaires."

"Quant à david, il a changé ma vie. Ce que je lui dois me bouleverse et m'effraie."

"Ce qui semble beau à mes compagnons n'est à mes yeux qu'un paysage de grâces mourantes."

"L'angoisse me faisait moins de mal que la culpabilité, autrement plus mordante que le cancer."

"Ma résolution : quel que soit le corps pourri dont j'ai hérité, et quelles que fussent mes erreurs passées, tâchons d'être un autre homme - même le cancer ne me reconnaîtra pas !"

"Je m'en suis déjà ouvert : la gloire, il faut y être préparé. Non pas à la recevoir ou à la mériter, mais à s'en habiller."

"En ce temps-là, les objets nous prenaient un peu de notre âme."

"Danser, c'est prendre subitement en dégoût tout ce qui empêche de danser."

"Mais c'est pour la dernière fois de ma vie que l'avenir existait."

"En songeant au bonheur à peine éclos dans mon coeur, à cette petite chaleur qui vous irradie le corps tandis qu'il donne à votre esprit les saines ivresses d'une eau-de-vie, et me souvenant du visage riant d'Isabel ; comme aux rires de Joséphine et David dans le jardin de ma maison, il m'arrive de penser que l'on m'a retiré quelque chose. Quelque chose de trop cher, de trop grand, comme une amputation totale."

"L'amour fort comme la mort" "c'est si vrai, d'ailleurs que, la mort approchant... il devient un mensonge vital."

"Surtout je voudrais qu'ils soient seuls -pour qu'ils se sachent en mauvaise compagnie."

"Sûrement la dévaluation des mots date-t-elle de l'inflation de la parole."

"L'aube approche et quelques gazouillis autour de la piscine m'apaisent un peu - leur baume est universel et agirait sur l'esprit d'un tueur en série."

"Par quel décret absurde sommes-nous obligés de périr soignés?"

"Je n'ai pas la folie du martyre, ni la patience des crucifiés."

"Je veux simplement mourir à temps."

"Faire danser les gens longtemps après ma mort. La vanité des vanités.
Comme ce serait consolant."