dimanche 22 avril 2018

Crosses de fougère

"Tant de choses deviennent belles quand on sait les regarder." 
Le dernier jour de ma vie de Lauren OLIVER


jeudi 19 avril 2018

"Le Roi disait que j'étais diable" de Clara DUPONT-MONOD



Ce roman couvre la première partie de la vie d’Aliénor d'Aquitaine depuis son mariage avec Louis VII alors qu'elle n'a que 13 ans jusqu'à son "divorce" 15 ans plus tard. 
Basé sur de vrais faits historiques, Clara DUPONT-MONOD réinvente la vie d'Aliénor. Cette femme de caractère qui fut reine de France puis d'Angleterre. 
Aliénor est une femme qui me passionne depuis longtemps par son caractère, sa culture et sa modernité : une des premières féministes et au XIIè siècle ce n'est pas une sinécure. 
J'ai beaucoup aimé le procédé qu'emploie l’auteur : le dialogue intérieur d'Aliénor et de Louis, tellement différent de sa fougueuse épouse. 

Bref, une réussite ! J'attends avec impatience la suite : son mariage avec Henri PLANTAGENÊT. Merci Valérie M. pour cette découverte.

Quelques morceaux choisis : 

"Bien sûr, j’avais entendu parler de ta famille effrayante et magique, surtout de ton grand-père Guillaume. Moi, je m’ignorais incomplet, coupé d’une partie de ma vie. Je t’attendais pour vivre vraiment. Quelque part, très loin au fond de moi, une ride s’est creusée. J’ai senti l’obscure frontière qui, définitivement, isolerait cet instant du reste de ma vie. Sortir du cloître, renoncer à la prêtrise, gérer le royaume : je pouvais le faire, en animal bien docile que je suis. Mais cela ne représentait rien comparé à la promesse d’un avenir avec toi. Tu étais mon cadeau et mon épreuve. Une splendeur posée sur la route d’un serviteur couronné."

"J’ai en face de moi un nouveau-né apeuré qui n’a jamais songé à gouverner. Ce projet-là était pour son frère aîné Philippe. Mais cet idiot mourut juste après, la tête fracassée contre les faubourgs de Paris. Un cochon s’était jeté dans les pattes de son cheval. N’est-ce pas un magnifique résumé du royaume de France ? Ce sont des porcs qui décident de son destin."

"Née fille, elle porte mille ans de servitude."

"Par moi, il a goûté la haine. Pour lui, j’ai découvert la honte. Quel magnifique couple nous formons!"

"Une main qui effleure, l'œil qui s'agrippe, le buste qui penche... Comme le corps est bavard ! Il divulgue tout. C'est un traître hors pair."


Gisants d'Aliénor et Henri II à l’abbaye de Fontevraud

dimanche 1 avril 2018

"Délation sur ordonnance" de Bernard PROU


C'est avec délice, que j'ai enfin lu le dernier roman de Bernard PROU. Le premier roman était l'excellent "Alexis Vassilkov ou la vie tumultueuse du fils de Maupassant".

Cette fois encore l'auteur nous entraîne parmi les livres : Céline, Maupassant, Marcel Aymé, Dumas, Rostand... pendant la seconde guerre mondiale.
On pourrait se dire : Quoi ! Encore un livre "là-dessus" ?
Et bien non, on est littéralement happés, emportés, engloutis pas l'histoire et l'Histoire où la réalité et le roman se confondent.

Sans rien dévoiler (vous savez que je ne lis pas les 4e de couv. ni ne regarde les bandes annonces car je veux être totalement surprise.), en voici le début :

Oreste (certainement en rapport avec le mythe du même nom), expert en livres anciens et souvent précieux, est amené à estimer la bibliothèque de feu Grégoire St Marly médecin à Pau, à la demande de sa petite fille.
En ouvrant une édition de "Beaux draps" de Céline, il découvre une ordonnance écrite de la main de St Marly qui dénonce auprès de la Préfecture quatre "mauvais" Français : un juif, un communiste, un franc maçon, un gaulliste.

Une fois le livre ouvert, impossible de le lâcher. On est embarqué dans ces secrets de famille, des moments révoltants et d'autres jubilatoires... Quand tout est fini, on tombe sur une copie de l'ordonnance avec les noms censurés issue des archives de l'auteur. Qu'est ce qui est vrai ? Qu'est ce qui est faux ? Certainement que Guy de Maupassant nous livre sa vérité : "Le récit qui suit est de point en point authentique. Je l'ai écrit sous la dictée sans y rien changer, sans en rien omettre, sans essayer de le rendre plus "littéraire" ou plus dramatique, ne laissant que les faits tout seuls, tout nus, tout simples, avec tous les noms, tous les mouvements des personnages et les paroles qu'ils prononcèrent."



Enfin, un excellent moment de lecture. Merci Alexis Soumachedchi !

Quelques phrases aimées :

"J'éprouve un malin plaisir à flouer les cuistres, les parvenus qui tapissent leurs murs de reliures achetées au mètre pour acheter une culture qu'ils n'ont pas. C'est à peine s'ils sont capables d'en déchiffrer le titre ! Ces gens-là me nourrissent, mais ils me gavent."

"Il aimait toujours Jeanne et cherchait le baume qui aurait apaisé sa trahison. S'il avait pardonné cet écart à l'épouse, du moins en paroles, il cherchait à comprendre les aspirations de la femme. Il avait renoncé à la loi du talion, mais la colère et le ressentiment restaient tapis au plus profond de lui. Tel un feu de charbon qui pendant des années brûle et serpente sous terre, la misanthropie mena son œuvre de corrosion en sourdine sans qu'il pût la maîtriser. "

"Je suis un désabusé vindicatif qui ne sait pas savourer l'instant. L'instant me fout la trouille."

"Ça y est ! Je suis pris d'une chiasse verbale carabinée. Vous allez devoir me subir. Profitez-en, j'me déboutonne pas souvent ! Je suis un impulsif pathologique, un irritable chronique. Je flingue tous azimuts ce qui ne trouve pas grâce ni à mes yeux ni à mes oreilles, et croyez-moi ça représente un sacré boulot..."

"Mes parents avaient la hantise du jour de l'échéance du loyer. Depuis mon enfance j'ai toujours vu des gens hantés par le terme."

"-Tu as déjà tué quelqu'un ?
-Un ptit peu. Mais rien que des vauriens de mon espèce."

"-Je me souviens encore du quatrain inscrit à la demande de l'écrivain (E. Rostand à Cambo-les-Bains) sur une plaque apposée près du fronton, dit Laure, qui se mit à me réciter :
Toi qui viens partager notre lumière blonde
Et t'asseoir au festin des horizons changeants
N'entre qu'avec ton cœur, n'apporte rien du monde
Et ne raconte pas ce que disent les gens."

"Si c'est un Maillol, j'peux te dire qu'au pieu elle est pas de marbre !"

À ceux qui tondaient les femmes à la libération :
"Des matrones, trop longtemps sevrées de caresses de leur mari prisonnier en Allemagne, étaient des plus virulentes. Privées de volupté, elles se montraient les plus venimeuses. Ignoraient-elles les infidélités de leur époux captif outre-Rhin avec d'autres femmes, frustrées elles aussi de l'étreinte de leur compagnon ?
Ces abrutis de bêtise, pensaient-ils à cet instant retrouver la virilité qui les avait désertés depuis quatre ans ? Une molle érection les récompenserait-elle de leur pleutrerie et les encouragerait-elle à gueuler encore plus fort ? Chacun vociférait à l'imitation de son voisin, et tous expiaient à leur propre lâcheté."

J'ai bien apprécié l'inscription cryptée aussi ! ;)