dimanche 1 avril 2018

"Délation sur ordonnance" de Bernard PROU


C'est avec délice, que j'ai enfin lu le dernier roman de Bernard PROU. Le premier roman était l'excellent "Alexis Vassilkov ou la vie tumultueuse du fils de Maupassant".

Cette fois encore l'auteur nous entraîne parmi les livres : Céline, Maupassant, Marcel Aymé, Dumas, Rostand... pendant la seconde guerre mondiale.
On pourrait se dire : Quoi ! Encore un livre "là-dessus" ?
Et bien non, on est littéralement happés, emportés, engloutis pas l'histoire et l'Histoire où la réalité et le roman se confondent.

Sans rien dévoiler (vous savez que je ne lis pas les 4e de couv. ni ne regarde les bandes annonces car je veux être totalement surprise.), en voici le début :

Oreste (certainement en rapport avec le mythe du même nom), expert en livres anciens et souvent précieux, est amené à estimer la bibliothèque de feu Grégoire St Marly médecin à Pau, à la demande de sa petite fille.
En ouvrant une édition de "Beaux draps" de Céline, il découvre une ordonnance écrite de la main de St Marly qui dénonce auprès de la Préfecture quatre "mauvais" Français : un juif, un communiste, un franc maçon, un gaulliste.

Une fois le livre ouvert, impossible de le lâcher. On est embarqué dans ces secrets de famille, des moments révoltants et d'autres jubilatoires... Quand tout est fini, on tombe sur une copie de l'ordonnance avec les noms censurés issue des archives de l'auteur. Qu'est ce qui est vrai ? Qu'est ce qui est faux ? Certainement que Guy de Maupassant nous livre sa vérité : "Le récit qui suit est de point en point authentique. Je l'ai écrit sous la dictée sans y rien changer, sans en rien omettre, sans essayer de le rendre plus "littéraire" ou plus dramatique, ne laissant que les faits tout seuls, tout nus, tout simples, avec tous les noms, tous les mouvements des personnages et les paroles qu'ils prononcèrent."



Enfin, un excellent moment de lecture. Merci Alexis Soumachedchi !

Quelques phrases aimées :

"J'éprouve un malin plaisir à flouer les cuistres, les parvenus qui tapissent leurs murs de reliures achetées au mètre pour acheter une culture qu'ils n'ont pas. C'est à peine s'ils sont capables d'en déchiffrer le titre ! Ces gens-là me nourrissent, mais ils me gavent."

"Il aimait toujours Jeanne et cherchait le baume qui aurait apaisé sa trahison. S'il avait pardonné cet écart à l'épouse, du moins en paroles, il cherchait à comprendre les aspirations de la femme. Il avait renoncé à la loi du talion, mais la colère et le ressentiment restaient tapis au plus profond de lui. Tel un feu de charbon qui pendant des années brûle et serpente sous terre, la misanthropie mena son œuvre de corrosion en sourdine sans qu'il pût la maîtriser. "

"Je suis un désabusé vindicatif qui ne sait pas savourer l'instant. L'instant me fout la trouille."

"Ça y est ! Je suis pris d'une chiasse verbale carabinée. Vous allez devoir me subir. Profitez-en, j'me déboutonne pas souvent ! Je suis un impulsif pathologique, un irritable chronique. Je flingue tous azimuts ce qui ne trouve pas grâce ni à mes yeux ni à mes oreilles, et croyez-moi ça représente un sacré boulot..."

"Mes parents avaient la hantise du jour de l'échéance du loyer. Depuis mon enfance j'ai toujours vu des gens hantés par le terme."

"-Tu as déjà tué quelqu'un ?
-Un ptit peu. Mais rien que des vauriens de mon espèce."

"-Je me souviens encore du quatrain inscrit à la demande de l'écrivain (E. Rostand à Cambo-les-Bains) sur une plaque apposée près du fronton, dit Laure, qui se mit à me réciter :
Toi qui viens partager notre lumière blonde
Et t'asseoir au festin des horizons changeants
N'entre qu'avec ton cœur, n'apporte rien du monde
Et ne raconte pas ce que disent les gens."

"Si c'est un Maillol, j'peux te dire qu'au pieu elle est pas de marbre !"

À ceux qui tondaient les femmes à la libération :
"Des matrones, trop longtemps sevrées de caresses de leur mari prisonnier en Allemagne, étaient des plus virulentes. Privées de volupté, elles se montraient les plus venimeuses. Ignoraient-elles les infidélités de leur époux captif outre-Rhin avec d'autres femmes, frustrées elles aussi de l'étreinte de leur compagnon ?
Ces abrutis de bêtise, pensaient-ils à cet instant retrouver la virilité qui les avait désertés depuis quatre ans ? Une molle érection les récompenserait-elle de leur pleutrerie et les encouragerait-elle à gueuler encore plus fort ? Chacun vociférait à l'imitation de son voisin, et tous expiaient à leur propre lâcheté."

J'ai bien apprécié l'inscription cryptée aussi ! ;)

Aucun commentaire: