Un roman très noir qu'on ne peut plus lâcher une fois ouvert. C'est un OVNI, indescriptible.
L'histoire se passe dans une ferme reculée au fond de la Patagonie, tenue par une femme rude, murée dans l'hostilité et l'indifférence, ne parlant que pour donner des ordres à ses fils. Le père ivrogne et bourreau lui aussi, est parti, laissant le domaine et les bêtes à sa femme et ses quatre fils.
Le plus jeune, Rafaël, est le souffre-douleur des trois autres jusqu'au jour où tout bascule.
Moments choisis :
"La mère, c'est la mère. Ancrée et solide, d'une constance terrifiante,
ils sont capables d'en rejouer les intonations, les menaces, les phrases
qui vont suivre. Mais s'ils cherchent à en dessiner les traits, elle
s'efface comme dans un rêve, floutée tel un fantôme, une silhouette sans
contours, sans limites. La mère s'étend au-dessus de l'univers."
"Les absents sont morts - sa façon à elle de voir les choses, la mort ce
n'est pas forcément être mort, c'est disparaître voilà tout."
"Il y a suffisamment de mal tous les jours pour ne pas s'en créer en
vain. Et il faut continuer à s'occuper des brebis. Arque, ma fille. La
vie n'attend pas qu'on ait envie d'y mettre les mains."
"Elle les déteste tout le temps, tous. Mais ça aussi, c'est la vie, elle
n'a pas eu le choix. Maintenant qu'ils sont là. Parfois elle se dit
qu'elle aurait dû les noyer à la naissance, comme on le réserve aux
chatons dont on ne veut pas ; mais voilà, il faut le faire tout de
suite. Après, c'est trop tard. Ce n'est pas qu'on s'attache : il n'est
plus temps, c'est tout. Après, ils vous regardent. Ils ont les yeux
ouverts. Et vraiment la mère y a pensé, mais elle a manqué le coche.
Alors les jours où elle ne supporte plus les fils, elle se venge en se
rappelant qu'elle aurait pu le faire. (...) En les entendant glousser à
table, elle se remémore la naissance à chacun, et les doutes, et les
tentations. Se mord la langue pour ne rien dire - bien sûr cela la
soulagerait tant, mais cette carte-là, il faut la garder pour un jour
exceptionnel, un vrai jour de haine, noir et profond."
"De tous temps il en a été ainsi, et les riches ont fait laver
leurs fautes aux miséreux, rejetant sur eux la honte et le sang, parce
que les pauvres s’en foutent, et qu’à leur tour ils transforment la
saleté en argent. Cela ne les gêne pas de tendre la main ; ils y sont
habitués depuis des siècles, c’est comme rincer la merde, et peut-être
ils se pincent le nez mais ils finissent par le faire et c’est toujours
assez bon pour eux."
"C'est le mot qui l'interpelle, un mot qu'il n'a jamais entendu. Le bonheur."
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