dimanche 14 janvier 2018

Bon rétablissement de Marie-Sabine ROGER


J'ai ri ! Quelle verve ! Quelle ironie ! J'avais vu le film (avec Gérard LANVIN) et pourtant, je ne me suis pas ennuyée une minute !! Je vous le conseille vivement !

Jean-Pierre, "veuf sans enfant ni chien", à la retraite depuis 7 ans, est un homme bourru, aigri, à l'humour plus que sarcastique.
Un jour après un étrange accident, il se retrouve cloué à un lit d'hôpital où il va devoir côtoyer tout un tas de gens qu'il avait réussi à éviter jusqu'alors.

"Il m’arrive parfois de verser ma larmette. C’est de l’incontinence de mémoire, de l’énurésie de sentiment."

"Je tenais à mes parents, même si c'était des parents, avec tous les défauts que ça peut sous-entendre, question autorité et interdictions. Je tenais à mon père, surtout. Je le trouvais balèze, pas seulement pour ses biceps plus épais que des cuisses. Il était fort, vraiment. Droit planté dans ses bottes. Riche de convictions, à défaut d'autre chose. Un gueulard, un sanguin, mais qui trempait ses mouchoirs aux mariages, aux baptêmes, appelait ma mère Mon p'tit bouchon d'amour, en se foutant pas mal du ridicule, et n'avait jamais peur de lui dire Je t'aime.
L'homme que j'aurais sûrement bien aimé devenir."

"L'espoir, c'est bon pour les rêveurs et les adolescents.
Moi, j'ai des souvenirs.
A mon âge, c’est plus sûr qu’avoir des ambitions."

"On m'a intubé le bazar pour cause d'écrasement de l'urètre, ce qui fait qu'ajouté à l'oedème des baloches, on dirait que je sors d'une greffe de biniou."

"Mais même s'il n'y a plus de battements de cœur,, quand l'autre meurt, quelque chose de nous l'accompagne...Ceux qui partagent notre vie en gardent un morceau dans le fond de leur poche. C'est leur lumière qui s'éteint, c'est à nous qu'il manque un éclat."

"Il avait droit à tous les noms d'oiseaux. Tantouze, lopette, p'tite fiotte, pédé, c'était les plus flatteurs et les plus distingués.
Son père était routier et le cognait chaque dimanche pour le guérir de ses mauvais penchants. Sa mère le consolait et l'appelait mon bébé. Il se faisait charrier par tous les cons de mon âge.
Sa vie n'était qu'une tartine de fiel sur un quignon de pain moisi.
Il s'est jeté du toit de sa maison, à la fin d'un week-end trop long. Sûrement découragé par la bêtise humaine. Il a raté son grand plongeon, et s'est retrouvé paraplégique.
Il avait à peine quinze ans.
Quand j'ai appris ce qui lui était arrivé, je me suis senti merdeux, même si je n'y étais pour rien à titre personnel - à titre plus "personnel" que les autres, en tout cas. Je ne lui avais jamais adressé la parole. Mais les regards en coin, les rires gras, les clins d'oeil, ça aussi ça peut pousser quelqu'un dans le vide, je crois. Du coup, si on fait bien le compte, on était quelques uns à le faire sauter du toit, ce soir-là. Son père en première ligne, et nous autres, en renfort. Nous tous, les hommes forts."

"Il faut se rendre à l'évidence, la plupart des femmes n'ont pas besoin de nous : un ballotin de chocolats leur suffit amplement à remplacer l'orgasme."

"Parmi mes petites joies retrouvées, ridicules et intimes, je peux aller pisser tout seul.
Je sais que ça n’a l’air de rien, mais je mesure à présent, à ce genre de choses anodines, la distance ténue qui sépare une vie normale d’une vie de chiotte, et c’est sans jeu de mots."

"On appelle ça mourir bêtement.
Je ne connais pas de morts intelligentes."

"Si je devais trouver un mot pour bien me définir, je pense que c'est "ptose" qui conviendrait le mieux. Tout mon corps semble avoir subi un glissement de terrain.
Pour le visage, ce n'est pas une découverte, je me rase tous les matins. Mes grands yeux en amande ont depuis longtemps cédé la place à ceux d'un Saint-Hubert. Le visage a glissé d'un cran, le cou ballotte un peu, mais le front est plus haut. Si haut qu'un jour prochain il rejoindra ma nuque. Par contre, je découvre avec étonnement que je suis arrivé à cet âge glorieux où les durs pectoraux se changent en vieux seins, où le ventre recouvre l'amorce du pubis, où les fières petites burnes, jadis si haut perchées, serrées dans leur scrotum comme dans un calebar, sont devenues deux lourds battants de cloche dans l'attente d'un suspensoir.
Je dois pouvoir mieux faire encore. Perdre d'autres cheveux. Semer deux ou trois dents.
Dégringolade et avachissement." 
 
"La mort nous fait penser à la mort, par association d'idées, je suppose. Celle des autres nous ramène à la nôtre, à celle de nos proches, à l'éventualité de notre disparition. Cette "éventualité" qui est notre seule certitude, mais que l'on traite avec un curieux scepticisme, comme si on pouvait se permettre d'en douter. On vit tous en sachant qu'on marche vers la mort. On fait comme si de rien n'était. Mais il suffit d'un accident sur le bord de la route, d'un parent qui nous quitte, d'un téléphone qui sonne au milieu de la nuit, d'un médecin qui tire la gueule en regardant nos analyses, et elle revient, cette vieille salope. Elle nous met la main sur l'épaule, nous fout des frissons dans le dos."
 
"Une maladresse qui vient du cœur se pardonne plus volontiers qu'un silence confortable. Elle s'oublie plus vite, également."
 
 




Aucun commentaire: