mercredi 17 janvier 2018

"La Grammaire est une chanson douce" d'Erik ORSENNA



À lire et à relire Avec toujours autant de bonheur.<3 span="">

"Elle était là, immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue : Je t'aime.
Trois mots maigres et pâles, si pâles. Les sept lettres ressortaient à peine sur la blancheur des draps.
Il me sembla qu'elle nous souriait, la petite phrase.
Il me sembla qu'elle nous parlait :
- Je suis un peu fatiguée. Il paraît que j'ai trop travaillé. Il faut que je me repose.
- Allons, allons, Je t'aime, lui répondit Monsieur Henri, je te connais. Depuis le temps que tu existes. Tu es solide. Quelques jours de repos et tu seras sur pied.
Monsieur Henri était aussi bouleversé que moi.
Tout le monde dit et répète "Je t'aime". Il faut faire attention aux mots. Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement, les mots s'usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver. "  

"Vingt-cinq langues meurent chaque année ! Elles meurent faute d’avoir été parlées. Et les choses que désignent ces langues s’éteignent avec elles. Voilà pourquoi les déserts peu à peu nous envahissent. A bon entendeur, salut ! Les mots sont les petits moteurs de la vie. Nous devons en prendre soin. "

"-Les mots sont de petites bêtes sentimentales. Ils détestent que deux êtres humains cessent de s'aimer.
- Pourquoi ? Ce n'est pas leur affaire, quand même !
- Ils pensent que si ! Pour eux, le désamour, c'est du silence qui s'installe sur Terre. Et les mots haïssent le silence. "

"-Comment tu t'appelles ?
-Antoine. Mais je suis plus connu par mon diminutif. Saint-Ex.
-Comme celui du Petit Prince ?
-C'est moi. L'île m'a recueilli, comme toi. C'est le seul endroit où aller pour un écrivain mort.
-Mais tu n'es pas mort puisque tu me parles !
-Je ne suis pas mort parce que j'écris. Si tu ne me laisses pas travailler, je vais mourir de nouveau. "

"Nous portons en nous des larmes trop lourdes. Celle-là, nous ne pourrons jamais les pleurer. "




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